L’Ancienne gare du tramway à Saint-Pierre un patrimoine en "léthargie" par Félix Pilven
(actualisé le )
Cette gare, on la surnommait ”La gare du train du Conquet”, mais elle portait sur sa singulière façade, l’inscription “Saint-Pierre”.
Ce lieu, réputé pour ses rencontres ne manquant pas de vitalité, a contribué au succès populaire du tramway. À l’inverse, aujourd’hui, ce bâtiment désaffecté semble être mis au rebut, avec ses portes et ses fenêtres obturées. C’est comme s’il était condamné à rester abandonné à un triste sort.
Jusqu’à quand cela va-t-il durer ?
Attachement au passé
Cette gare, après avoir servi au transport en commun, s’est reconvertie dans d’autres activités du bourg (bureau de poste, commerce d’alimentation) et a donc continué à favoriser des liens sociaux, ou à donner lieu à des souvenirs personnels. Elle a en tant que patrimoine historique du quartier, sa part de ce qui nous attache à un Saint-Pierre d’autrefois.
On peut alors imaginer que rester attaché à son passé, c’est comme si on possédait un cahier qui raconte sa propre histoire. On l’a rangé précieusement dans un coin de sa mémoire ; il arrive qu’il s’ouvre inopinément sur une page et on se laisse prendre au souvenir qu’elle porte et que le temps n’a cessé d’adoucir. Il s’ouvre aussi par une envie de relecture de ces ouvrages, la plupart illustrés d’anciennes photos, de documents d’archives, qui tous concernent notre région. Une région qui nous touche particulièrement parce que là se trouvent nos racines familiales qui nous sont proches ou éloignées. Sinon, c’est que nous nous y sommes délibérément attachés, confortés par un sentiment d’appartenance assumée. Dans tous les cas, s’agissant de Saint-Pierre Quilbignon, l’ensemble de ces œuvres écrites pourrait s’apparenter à la biographie d’une grande commune rurale devenue grand quartier urbain de la “Rive Droite de Brest”. Ceci nous invite à faire corps avec son grand passé, pour qu’il puisse encore être raconté. Pour continuer à le faire, il faut sauvegarder les lieux de mémoire qui le concerne.
La gare de 1903 à 1932
Parmi les nombreux auteurs des ouvrages concernant Saint-Pierre, notre regretté François Kergonou est une référence. Voici un extrait de l’un de ses articles parus dans l’Écho intitulé "La gare vers Le Conquet" :
"Mais la gare, cette aïeule, est toujours là, faisant partie de notre bourg depuis plus de 100 ans. Certes, elle a vu passer bien du monde et a participé à l’histoire de toute une population... Marchandes de beurre de Plouzané et d’ailleurs, venant vers la ville écouler les produits de leur exploitation. C’était principalement le vendredi ou encore, le dimanche. L’appel du large pour une partie de la population ouvrière et commerçante !
Que deviendra-t-elle ? Cette vénérable a frémi sous les bombardements et a assisté aux durs combats de la Libération. Par chance, elle est restée debout.
Et alors ? Eh bien, elle nous regarde et nous questionne. Serons-nous des ingrats ?
Cette gare était le point de départ du tramway pour Le Conquet, et plus tard, vers Recouvrance. On l’appelait “le train électrique” pour sa capacité à s’équiper jusqu’à 2 remorques. Celles-ci, suivant la météo, étaient fermées ou ouvertes. Ce tram, il ne fallait pas non plus le confondre avec celui de Brest, appelé, lui, “le péril jaune”. C’est en premier lieu une diligence surnommée "l’hirondelle".
Elle assurait les voyages entre le bourg et Le Conquet. Elle a été remplacée en 1903 par le tramway, qui en 1932 céda ce service au profit du car. Ces différents modes de transport en commun ont par leurs évolutions fait changer les habitudes de leurs usagers jusqu’à ce que ceux-ci deviennent tout à fait autonomes sous l’avènement du règne de l’automobile. Mais la gare avait depuis longtemps déjà abandonné ses activités d’origine.
Serons-nous des ingrats ?
Il y a 13 ans, François Kergonou dans son article, nous posait déjà cette question. En tout cas, le plus fort témoignage de notre gratitude envers cette gare, qui fut elle-même à ses heures un lieu de passage animé, serait de lui rendre son identité, en faisant de cet édifice anonyme au bord d’une banale allée, un lieu de nouveaux liens sociaux. Ce souhait implique une restauration complète de la gare.
Pour le réaliser, il faudrait d’abord trouver à ce bâtiment une utilité dédiée à un lieu d’activités associatives ou l’aménager en logement social. Alors, pourquoi pas une nouvelle histoire pour l’ancienne gare de Saint-Pierre ?
Félix Pilven
Déjà paru dans l’Écho de Saint-Pierre n° 315, septembre 2019